La justice approuve le plan de Detroit pour sortir de la faillite
Après un peu moins de seize mois de tractations, la justice a donné son feu vert à la renégociation de la gigantesque dette de Detroit, l'estimant juridiquement raisonnable, juste et équitable pour les milliers de créanciers de la ville.
Ce plan vise mettre fin au cercle vicieux dans lequel Detroit était rentré ces dernières années. L'effondrement de sa population, la réduction inexorable des recettes fiscales au rythme de son déclin industriel, une corruption omniprésente et des erreurs de management avait conduit la ville à la banqueroute.
SOLUTIONS INÉLUCTABLES
Le plan prévoit l'effacement de près d'un tiers de la dette (7 milliards sur les 18 milliards accumulés au fil du temps). En contrepartie, les finances de la ville sont mises sous surveillance, tandis que l'administration va faire l'objet d'une vaste restructuration. Une partie des fonds disponibles (1,7 milliard de dollars) sera être investis dans les services complètement délabrés comme les pompiers ou la police. Ici, il faut racheter des véhicules, là remettre à niveau des services informatiques devenus obsolètes. Le plan prévoit également un volet immobilier afin de réhabiliter les quelque 80 000 bâtiments qui ont été laissés à l'abandon, faute de moyens.
Le juge Rhodes a mis en garde le maire de la ville, Mike Duggan, pour ne pas gâcher l'opportunité d'un « nouveau départ ». « Il est maintenant temps de restituer la démocratie aux gens de Détroit », a-t-il lancé solennel. « L'incapacité de Detroit à fournir des services municipaux les plus essentiels » constitue une situation « inhumaine et intolérable, qui doit être réglée. Ce plan règle ces problèmes », a affirmé le juge.
Il est le fruit d'un véritable exercice d'équilibrisme entre les exigences des différentes parties, une équation qui comporte encore beaucoup d'inconnues. Les retraités des services municipaux ont ainsi dû accepter une baisse significative de leur pension. Elles baisseront de 4,5 % sans compter qu'elles ne seront plus indexées sur l'évolution du coût de la vie et que les remboursements de frais de santé seront désormais moins généreux.
Des solutions inéluctables pour faire face à un grave déséquilibre : les services municipaux comptent deux retraités pour un actif. Une situation qui s'explique par la chute spectaculaire des effectifs qui ont fondu de 53 % depuis 1970. Les retraités de la police et des pompiers ont eux aussi accepté des sacrifices, mêmes si ceux sont moins importants : leurs pensions ne baisseront que de 2,25 %. Des conditions qui ont été approuvées l'été dernier lors d'un référendum.
« DETROIT A UN GRAND AVENIR »
Ce moindre mal a été obtenu grand à un « grand marchandage », qui a pu aboutir grâce aux contributions de donateurs privés et de l'Etat du Michigan, qui vont injecter 816 millions de dollars dans les différents fonds de pension de la ville pendant une période de 20 ans. Une négociation qui permet également de sauver le musée de Detroit et ses prestigieuses collections.
Les créanciers sont également amenés à faire des efforts substantiels.
Et parfois la pilule n'a pas été évidente à avaler, comme pour l'assureur Syncora, qui ne récupérera finalement que 14 % de sa mise. Avec un autre créancier, Financial Guaranty Insurance Co., le groupe avait tenté de démontrer que la procédure était illégale parce qu'elle favorisait les retraités au détriment des créanciers. Mais ils ont fini par accepter ce plan, tout comme les deux principales banques exposées, UBS et Bank of America Merrill Lynch.
« Detroit a un grand avenir », assure désormais Rick Snyder, le gouverneur républicain du Michigan, lors d'une conférence de presse vendredi tout en soulignant qu'« il reste du travail à accomplir ». C'est le moins qu'on puisse dire. Pratiquement tout est à remettre sur pied dans cette ville qui, en soixante ans, a perdu la moitié de sa population. Il y a un an, 40 % des lampadaires ne fonctionnaient plus et le temps de réponse de la police aux appels d'urgence était en moyenne de 1 h 30. Depuis, des progrès significatifs ont été enregistrés, affirme Kevyn Orr, l'administrateur public nommé par le gouverneur en avril 2013 pour négocier avec les créanciers. Un millier de nouveaux lampadaires ont été installés, la réactivité des services d'urgence s'améliore petit à petit et des centaines de bâtiments en ruine ont été démolis.
Sur le plan juridique, M.Orr a redonné le contrôle de la ville au maire, Mike Duggan, qui reste cependant sous surveillance. Au cours de la prochaine décennie, la ville devra rendre des comptes à une Commission chargée de superviser les finances municipales. Elle sera flanquée d'un comité d'investissement qui chapotera les deux fonds de pension de la ville. Le juge Rhodes a qualifié ce plan de « modèle idéal pour les futures restructurations de dettes ». Reste désormais à Detroit de se reconstruire.